sábado, 21 de diciembre de 2013

Bulletin du Sipaz Novembre 2013



ACTUALITÉ : Mexique - Effervescence sociale, aucune réponse des autorités

Marche de femmes à Oaxaca, le 13 octobre
© Subversiones
Le premier Rapport du nouveau Gouvernement fédéral est sorti le 1er septembre. Le document annonce les différents défis que prétend relever le gouvernement du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel), en grande partie par le biais de réformes structurelles, celles-ci représentant la priorité de cette première année de mandat. C'est dans ce cadre que les partis d'opposition ont émis différentes critiques signalant le règne de l'inefficacité, la crise économique et l'ingouvernabilité. Plusieurs manifestations ont eu lieu, à l'instar de celle organisée par la Coordination Nationale des Travailleurs de l'Éducation (CNTE) contre la réforme éducative. Certaines ont dégénéré en affrontements entre la police et les manifestants, ce qui s'est soldé par l'arrestation de 16 jeunes. Les semaines suivantes ont été marquées par la multiplication des marches et autres actions de protestation. Le mouvement le plus important a été initié par le corps enseignant, dont le sit-in à Mexico dure depuis presque trois mois. La plupart des manifestations ne rejettent cependant pas uniquement la réforme éducative, mais l'ensemble des "réformes structurelles" amorcées par le gouvernement d'Enrique Peña Nieto, dont la réforme énergétique (en cours de négociation) et la réforme fiscale (déjà approuvée).


Sit-in du corps enseignant
au pied du Monument de
la Révolution à Mexico,
en octobre
© SIPAZ
Le 2 octobre, une marche pour commémorer le massacre des étudiants en 1968 a été interceptée par un important dispositif policier. Les affrontements ont fait des dizaines de blessés, dont 32 membres des forces de l'ordre, et plus de 100 personnes ont été arrêtées. Des observateurs des Droits de l'Homme ont confirmé que les policiers avaient fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, et lancé des pierres contre les manifestants. Ils ont également signalé que des policiers en civil se sont livrés à des arrestations arbitraires et à des "actes de provocation".


Le 14 octobre, des enseignants de la section 22 du Syndicat National des Travailleurs de l'Éducation (SNTE), à l'origine de la mobilisation, ont repris les cours, tout en assurant qu'ils continueraient à protester. Le mouvement enseignant ne s'essouffle pas, malgré l'absence de réponse des autorités ; au contraire, il s'amplifie dans la capitale et dans au moins douze autres états. En parallèle, les parents d'élèves et les étudiants, ainsi que des organisations sociales et civiles, ont réalisé de nombreuses marches et actions de solidarité avec les enseignants en grève.
D'autre part, le Mouvement Régénération Nationale (MORENA), base sociale de l'ex-candidat à la présidence Andrés Manuel López Obrador (AMLO), réalise depuis septembre des mobilisations massives contre la réforme énergétique. Il lui reproche son orientation néolibérale qui priverait l'État de sa souveraineté sur les industries pétrolière et électrique, deux secteurs stratégiques.
AMLO et Cuauhtémoc Cárdenas, anciens chefs de gouvernement du District Fédéral et ex-candidats de la gauche à la présidence, se sont unis pour qualifier la réforme énergétique d'"acte de trahison de la patrie". Le Parti de la Révolution Démocratique (PRD), de son côté, défend le slogan bien vague de 'Moderniser sans privatiser'.
Grâce à la mobilisation enseignante et populaire et à la pression sociale, la réforme fiscale présentée par Peña Nieto s'avère de moindre ampleur que prévue, avec en particulier le renoncement à la TVA sur les aliments et les médicaments. Mais le gouvernement n'a rien concédé sur ce qui a déjà été approuvé.

Droits de l'Homme : 176 recommandations faites au Mexique dans le cadre de l'Examen Périodique Universel

Le 23 octobre, le second Examen Périodique Universel (EPU) réalisé par le Conseil des Droits de l'Homme (CDH) des Nations Unies a eu lieu à Genève, Suisse. Les pays membres ont émis 176 recommandations (contre 91 il y a quatre ans) à l'encontre du Mexique. L'accent a été mis sur le manque de protection des défenseurs des Droits de l'Homme et des journalistes ; le maintien de la figure controversée du garde-à-vue et de la juridiction militaire dans les cas de violations des droits humains contre des civils ; ainsi que la situation des femmes et des groupes les plus vulnérables, comme les migrants et les peuples indigènes. Précisons que ces points avaient déjà été signalés lors de l'EPU de 2009, et qu'ils restent non résolus quatre ans après. Le Mexique doit maintenant étudier les recommandations, et informer l'ONU en mars 2014 des actions qu'il compte entreprendre.
Plusieurs organisations civiles signalent une grave détérioration de la situation des Droits de l'Homme dans le pays. Elles soulignent que les différentes initiatives législatives ne sont pas mises en pratique. Le Mexique n'a pas non plus ratifié plusieurs conventions internationales en la matière, ce qui démontrerait son engagement réel. Il faut rappeler que la Cour Suprême de Justice a décidé en septembre de limiter les accords internationaux en matière de Droits de l'Homme quand ils contrarient la Constitution. Les organisations civiles dénoncent cette décision, qui pourrait annuler les avancées de la réforme constitutionnelle de juin 2011 en la matière.



Le Chiapas toujours mobilisé


Sit-in du corps enseignant à Tuxtla Gutierrez, le 11 septembre
© SIPAZ

Au Chiapas les enseignants des sections 7 et 40 protestent depuis fin août, accompagnés de parents d'élèves et d'étudiants. Ils ont organisé des sit-ins et des barrages routiers, « libéré » le péage entre San Cristóbal et Tuxtla Gutiérrez et bloqué les routes d'accès à la capitale. Ils ont également pris la Tour Chiapas (où des bureaux du gouvernement et un studio de TV Azteca se trouvent) et ont encerclé par deux fois la tour de Pemex, empêchant que du carburant entre ou sorte. De grands centres commerciaux ont également été fermés par eux à différents moments.

Les parents d'élèves ont apporté leur soutien aux professeurs en marchant avec eux les 2 et 12 octobre. Plus de trois milles personnes ont rejoint le Comité Démocratique Étatique et Régional des Parents d'élèves du Chiapas en Défense de l'Éducation Publique et de la Nation. Ses membres ont empêché les vacataires (employés par le gouvernement du Chiapas pour remplacer les grévistes) d'entrer dans les écoles et fermé celles qui fonctionnaient encore. En octobre, 59 mairies et, de manière symbolique, le Congrès de l'état ont été occupés. Les étudiants des classes préparatoires et techniques ont également pris leurs salles de classe.
Le mouvement se poursuit, malgré les obstacles : retenues sur salaire, campagne d'intimidation et de diffamation (dont des liens supposés avec des groupes armés), tentatives de contre-manifestations obligeant les bénéficiaires du programme gouvernemental « Oportunidades » à réclamer le retour en classe. Et rien ne laisse présager que la situation se débloque.
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Déplacées de Colonia Puebla lors d’une marche du Peuple Croyant, San Cristóbal de las Casas, le 12 septembre © SIPAZ
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D'autres mobilisations ont eu lieu durant la même période : une marche pour défendre la Madre Tierra (Terre Mère) a été organisée par des organisations indigènes le 10 octobre à Palenque. Elles disent en avoir assez des programmes gouvernementaux comme le FANAR (ex PROCEDE - programme de régularisation et d'enregistrement légal des terres, NdT) et la Croisade Nationale contre la Faim, qui, elles affirment, provoquent des divisions dans les communautés au lieu de favoriser le développement économique et social. Le 12 octobre, le Peuple Croyant de Simojovel a effectué un pèlerinage pour dénoncer l'augmentation de la violence dans la ville. Le même jour, plusieurs manifestations avaient lieu à San Cristóbal dans le cadre de la « Campagne contre les violences faites aux femmes et les féminicides au Chiapas ».

Tensions ailleurs dans l'état

A Chenalhó la situation critique, apparemment pour des motifs religieux, reste sans solution. Le 20 août, des déplacés de Colonia Puebla, ont essayé de retourner chez eux après 30 jours à San Cristóbal de Las Casas, malheureusement sans succès. Ils ont été accueillis par des pierres et des insultes, tout comme la caravane civile qui les accompagnait. Le 21 août, le curé de la paroisse de Chenalhó a été détenu à Puebla, frappé, attaché pendant cinq heures et menacé d'être aspergé d'essence pour le faire brûler. Le 23 août, presque toutes les familles catholiques et d'autres obédiences ont fui vers San Cristóbal. Ils décidé le 26 août de revenir dans la zone, mais hors de leur communauté. 95 personnes, 13 familles catholiques et 2 baptistes, ont été déplacées à Acteal, où ils sont toujours actuellement. La Société Civile Las Abejas a dénoncé que "les paramilitaires de Chenalhó sont de nouveau à l'œuvre, tirant avec leurs armes et causant des déplacements comme en (...) 1997", année du massacre d'Acteal.

Arrivée des déplacés de Colonia Puebla dans la communauté d’Acteal, le 26 août
© SIPAZ

En octobre, cinq mois après le déplacement forcé des familles, des organisations civiles ont dénoncé la faible implication de l'état dans l'enquête et le suivi du dossier judiciaire. En novembre, l'équipe pastorale de la Zone Tsotsil a organisé un pèlerinage à Acteal pour exiger « la solution immédiate de la situation de la communauté Puebla ». Ils ont résumé les menaces et agressions subies par les déplacés de Colonia Puebla et dénoncé : « non seulement les autorités restent les bras croisés face à la violation de nos droits, mais en réalité ils appuient les coupables ».
D'autres dossiers restent sensibles. Le Comité pour la Promotion et la Défense de la Vie Samuel Ruiz García a dénoncé en septembre : "Fernando Coello, le grand-père du gouverneur, s'est présenté accompagné devant un groupe de jeunes de la Paroisse de Chicomuselo. (...) Il a demandé à voir le prêtre de la Paroisse, après avoir donné son nom en arborant une attitude de toute-puissance (...) il le cherchait pour lui annoncer l'exploitation des ressources minières de la municipalité (...) et le prévenir qu'il ne servait à rien de s'y opposer puisque elle aurait lieu de toute manière". Le 31 octobre, le Comité a averti que des entrepreneurs cherchent à remettre en route la mine La Revancha, dans l'ejido Nueva Morelia, alors que de nombreuses actions sont entreprises depuis 2008 pour mettre fin à l'extraction minière à Chicomuselo. Le gouvernement avait stoppé les activités minières en 2009 après l'assassinat de l'opposant aux mines Mariano Abarca ; mais le permis d'extraction est toujours valide, et certains acteurs entendent l'utiliser.
En novembre, les habitants de San Sebastián Bachajón, adhérents à la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone, ont fait part de menaces d'expulsion. L'objet de la dispute est une carrière de sable, utilisé dans l'immédiat "au bénéfice du village" et qu'un groupe des autorités de l'ejido (terres communales) veut s'approprier. Ils ont également dénoncé l'enlèvement d'un jeune en novembre par des membres"du groupe armé qui avaient délogé nos compagnons du péage ejidal à l'entrée des cascades d'Agua Azul le 2 février 2011".

L'EZLN communique et dénonce


Bases de soutien de l’EZLN
© SIPAZ
Dans un communiqué du 3 novembre intitulé "Mauvaises nouvelles et pas tant que ça", l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a rendu compte(s) –au propre comme au figuré- de la première session de l'"Escuelita" (Petite école) en août dernier, et annoncé les prochaines pour décembre et janvier. Par la voix du sous-commandant Marcos, elle a critiqué les "bassesses mal dissimulées"nommées "réformes structurelles", et signalé que la "gauche modèle" est maintenant en "croisade" avec la droite traditionnelle pour accuser les anarchistes de tous les maux du pays.
De son côté, le Comité de Bon Gouvernement (JBG pour "Junta de Buen Gobierno") de La Realidad a rapporté en octobre des agressions subies par les bases de soutien suite à un conflit portant sur un terrain de Che Guevara, du territoire autonome de Tierra y Libertad, municipalité officielle de Motozintla de Mendoza. En novembre, la JBG de la Garrucha a dénoncé le harcèlement subi par des transporteurs routiers de part de la Centrale Routière d'Ocosingo (l'un d'entre eux est base de soutien de l'EZLN) : leurs véhicules sont bloqués voire saisis. Ils ont également fait part de la fausse accusation et du mandat d'arrêt lancé contre une autre base de soutien pour l'abattage d'un arbre. Le même mois, la JBG de Morelia a dénoncé l'aggravation des problèmes avec l'organisation CIOAC (Centrale Indépendante des Ouvriers Agricoles et Paysans) à cause d'un terrain cultivé par des bases de soutien de l'ejido « 10 de abril ».

Patishtán enfin libre


Pèlerinage du Peuple Croyant pour la libération de Patishtán, San Cristóbal de las Casas, le 12 septembre
© SIPAZ
En août, Amnesty International s'est joint à l'appel en faveur de la libération d' Alberto Patishtán, professeur tsotsil originaire d'El Bosque, incarcéré depuis 2000. En août toujours, 1500 membres du Collectif tsotsil du Peuple Croyant, ainsi que des organisations nationales et internationales, ont fait un pèlerinage à Tuxtla Gutiérrez pour appuyer la même demande. En septembre, le Premier Tribunal de Tuxtla, a rejeté la procédure de reconnaissance d'innocence interposée par Patishtán. La décision a été rendue quelques heures après le pèlerinage dans San Cristóbal de milliers de membres du Peuple Croyant pour exiger la liberté de l'enseignant.
Alberto Patishtán a cependant retrouvé la liberté le 31 octobre par grâce présidentielle. Il a déclaré : "Ils ont voulu mettre fin à mon combat, ils l'ont démultiplié. Ils ont voulu le cacher, ils l'ont mis en lumière." Le Centre des Droits de l'Homme Fray Bartolomé de las Casas a affirmé que la grâce ne suffisait pas à obtenir justice, et exigé des excuses publiques et la réparation des dommages subis par Patishtán et sa famille.

Oaxaca: manifestations enseignantes et agressions à l'encontre du mouvement social


Marche de femmes à Oaxaca, le 13 octobre
© Subversiones
La Section 22 de Oaxaca a participé activement aux mobilisations contre la réforme éducative lancée par le gouvernement fédéral. De nombreuses marches et actions de solidarité avec les enseignants ont été initiées par les étudiants et les parents d'élèves dans tout l'état.
Plusieurs attentats contre des membres de mouvements sociaux et partis politiques ont eu lieu ces derniers mois. Le 10 septembre le Président de la Commission Permanente de Développement Social de la LXIéme Législature locale, Everardo Hugo Hernández Guzmán, un des fondateurs du Comité de Défense des Droits du Peuple (CODEP), a été exécuté. Le 16 octobre, le représentant de l'Organisation des Peuples Indigènes Zapotéques (OPIZ), Juan Sosa Maldonado, a été victime d'un attentat à Oaxaca de Juárez, dont il est sorti indemne.
Le 25 août, des membres de l'Assemblée Populaire du Peuple Juchiteco (APPJ) furent blessés par balles et agressés à l'arme blanche en passant par des terres communales sur lesquelles le parc éolien Bií Hioxho, appartenant à l'entreprise Gas Natural Fenosa se construit. Les agresseurs seraient des hommes de main de l'entreprise. Le 3 septembre, Mariano López, porte-parole de l'APPJ a été victime d'une tentative d'enlèvement à Juchitán. Le 5 octobre, le campement installé depuis février par l'APPJ pour protester contre le parc éolien a été en partie incendié.
Toujours en lien avec la résistance contre les méga-projets dans l'Isthme de Tehuantepec, une nouvelle mesure de protection a été émise en faveur des habitants de San Dionisio del Mar. Elle ordonne la suspension temporaire de la construction du parc éolien souhaité par le groupe Mareña Renovables à Barra de Santa Teresa, sur des terres de la municipalité. Cette mesure a été accueillie par l'APIITDTT (Assemblée des Peuples Indigènes de l'Isthme de Tehuantepec pour la Défense de la Terre et du Territoire) comme une grande victoire dans la lutte pour le respect du territoire et des droits des peuples indigènes.
Le 13 octobre, des dizaines de femmes ont parcouru le centre de Oaxaca, à l'occasion de la première action organisée par "Action Radicale Antipatriarcale", collectif visant à mettre en lumière toutes les formes de violence exercées contre les femmes, et qui propose l'autodéfense et l'autonomie comme outils pour changer les choses. Le 2 novembre, Jour des Morts, un autel a été dressé en mémoire des femmes assassinées dans l'état et dans tout le pays.
En ce qui concerne le milieu de la communication, la Radio Communautaire Totopo, à Juchitán de Zaragoza, a recommencé à diffuser les 4 et 5 novembre. Elle avait cessé le 26 mars dernier, quand, après que des policiers aient tenté d'expulser le campement de l'APPJ, des individus eurent pénétré dans le studio de la radio pour voler l'émetteur et couper les câbles d'alimentation électrique. Enfin, les 7 et 13 octobre, le second Sommet Continental de Communication Indigène d'Abya Yala a eu lieu dans la communauté de l'ethnie mixe de Tlahuitoltepec. L'événement fut entaché de polémique, la coordination ayant invité le Président Enrique Peña Nieto à l'inauguration, ce qui causa la défection de plusieurs organisations mexicaines et étrangères.

Guerrero: tentative d'"anéantissement" du mouvement social ?

Ces derniers mois, hormis la situation d'urgence après les inondations dues aux ouragans en septembre, l'état de Guerrero a connu plusieurs périodes de mobilisation et de tensions. Ici aussi le corps enseignant a protesté contre la réforme éducative, même si moins longtemps et moins massivement. Le 11 septembre, quelques 5000 membres de la CETEG (Coordination Étatique des Travailleurs de l'Éducation de Guerrero) ont manifesté, suspendant leurs activités pour répondre à l'appel de la CNTE (Coordination Nationale des Travailleurs de l'Éducation) pour une mobilisation nationale.
Dans la région de la Costa Grande, une extrême insécurité persiste pour les défenseurs des Droits de l'Homme, tout comme pour la population en général. Les ONG, à la tête desquelles le Centre des Droits de l'Homme de la Montagne « Tlachinollan », considèrent que le gouverneur Ángel Aguirre Rivero (du parti politique PRI), mène une « campagne d'anéantissement » contre les activistes. L'une d'eux, Rocío Mesino Mesino, a été assassinée le 19 octobre à Atoyac de Álvarez. Le Procureur de l'état, Iñaki Blanco Cabrera, a déclaré étudier plusieurs pistes dans le meurtre de la leader de l'Organisation Paysanne de la Sierra del Sur (OCSS), l'une étant l'implication du crime organisé opérant dans la région. Le 10 novembre, le dirigeant de l'Organisation Populaire des Producteurs de la Costa Grande (OPPCG), Luis Olivares, ainsi que sa compagne, Ana Lilia Gatica, a été assassiné à Coyuca de Benítez par des individus armés non identifiés. Son ex-épouse, Zeferina Romero Fernández, a déclaré qu' « il n'avait pas d'ennemis ; je pense que c'est le gouvernement qui est derrière tout ça ». Avec sa mort, le nombre d'assassinats d'activistes sous l'administration actuelle se monte à 12 personnes.
Ces derniers mois également, une vague de répression a visé les membres du système communautaire de justice de la Coordination Régionale des Autorités Communautés (CRAC). Suite, entre autres, à la campagne d'accréditation des policiers communautaires entreprise par le gouvernement d'Ángel Aguirre, plusieurs membres de cette entité ont été arrêtés -dont Nestora Salgado García, dirigeante de la Police Communautaire à Olinalá, incarcérée depuis le 21 août dans une prison de haute sécurité de Nayarit. Quelques jours après, des policiers communautaires d'Ayutla ont été arrêtés et désarmés par l'armée. Le 6 octobre, 12 policiers communautaires de la « Maison de la justice » de Zitlaltepec furent à leur tour arrêtés. Onze furent libérés sous caution.
Après les inondations de septembre, le Conseil des Ejidos et Communautés Opposés au barrage de la Parota (CECOP) a dénoncé les graves dégâts subis pas les communautés de Cacahuatepec lors de l'ouverture du barrage La Venta par la Commission Fédérale d'Électricité (CFE). Des agriculteurs de la zone ont exprimé leurs craintes quant aux intentions réelles du gouvernement fédéral et de l'état. Ils craignent d'être déplacés dans des villages situés sur les rives du fleuve Papagayo, ceci afin de laisser le champ libre aux promoteurs de la construction du barrage hydroélectrique La Parota.
Le 14 novembre, des paysans de la Montagne de Guerrero ont interposé une demande pour l'annulation des concessions minières, au nom de la violation du droit des peuples indigènes à être consultés à propos des projets affectant leur territoire et leur culture. Leur inquiétude provient des 42 gisements miniers des régions de la Montagne et de la Costa Chica, et des 30 concessions octroyées pour 50 ans par le gouvernement pour des activités d'extraction minière.


DOSSIER : Violence faite aux femmes - “Au Mexique on oublie de punir les coupables”

Comme de nombreux rapports de ces derniers mois l'illustrent, la violence envers les femmes au Mexique est loin de diminuer. Ces rapports rendent compte de multiples formes de violence, qu'elle soit directe et physique, ou structurelle et culturelle. Une étude de 2010 de l'organisation Inicia définit la violence comme une forme d'exercice du pouvoir. Il s'agit de dominer en employant la force (physique, psychologique, économique, politique), et il implique l'existence de relations inégales entre celui qui l'impose et celui qui la subit. L'étude rend particulièrement compte de la violence à l'encontre des jeunes femmes dans les communautés indigènes, qui s'exerce à l'intérieur de la famille et de la communauté. L'étude souligne également que la violence est perpétrée et tolérée par l'État.


Peinture murale à San Cristóbal de Las Casas
© SIPAZ
La violence liée au genre ne se limite évidemment pas aux milieux indigènes. La société mexicaine est extrêmement machiste, et l'homme et le masculin y sont sur-valorisés, au détriment de la femme et du féminin. Ce système machiste et patriarcal se retrouve dans tous les aspects de la vie quotidienne et toutes les couches de la société : tant parmi les plus favorisés que les familles pauvres, chez les indigènes ou les métisses, en milieu urbain ou rural. Un essai de 2012 de Margaret Bullen et Carmen Diez Mintegui sur la violence féminicide souligne que: "[l]es fillettes et femmes assassinées au Mexique avaient des âges très différents, (...) elles appartenaient à toutes les classes sociales et statuts socio-économiques. Même si la majorité d'entre elles étaient pauvres ou marginalisées, certaines étaient des femmes riches, issues demilieux aisés. ». Le document met en avant que « l]a violence féminicide prospère grâce à l'hégémonie d'une culture patriarcale qui légitime le despotisme, l'autoritarisme, et les traitements cruels sexistes – machistes, misogynes, homophobes et lesbophobes-, alimentée par l'élitisme, le racisme, la xénophobie et autres formes de discrimination". L'omniprésence de cette violence envers les femmes dans la société mexicaine entraîne sa normalisation parmi la population.

Manifestations de la violence "quotidienne"

La violence se manifeste sous différentes formes. De l'avortement sélectif selon le sexe (en faveur des garçons) aux grossesses forcées ; d'une différence d'accès à l'alimentation et à l'éducation aux abus sexuels, au viol et à la maltraitance par le conjoint. Cependant, selon une étude réalisée en 2011 dans les communautés au Chiapas par la chercheuse Mercedes Olivera, les femmes indigènes considèrent qu'il y a violence seulement en cas de coups et blessures. La violence psychologique est minimisée, perçue comme des réprimandes ou comme une expression de colère. Les enquêtes menées lors de cette étude ont fait remarquer que beaucoup de femmes n'osaient pas dire que leur mari les frappait, peut-être parce que, dans la plupart des cas, celui-ci étant présent lors de l'enquête. Lors de l'analyse des données, les participantes ont convenu qu'en réalité quasiment toutes les femmes ont déjà été battues par leur conjoint, et que la situation ne s'améliore pas.

Commémoration de femmes assassinées au Chiapas, 1 et 2 Novembre, San Cristobal de Las Casas
© Campagne contre la violence faite aux femmes et le féminicide au Chiapas
Selon l'étude, il existe tout un cadre juridique national et international qui pose la violence à l'égard des jeunes femmes indigènes non seulement comme un problème légal ou social mais aussi comme une violation de leurs droits. Le problème est cependant plus complexe, les femmes indigènes étant doublement victimes de discrimination : comme femmes et comme indigènes. C'est pourquoi la violence à leur encontre constitue non seulement une atteinte à leurs droits individuels mais également à leurs droits collectifs. La violence s'exerce en outre à travers l'omission, l'impunité, l'injustice, la répression et la discrimination.
Une autre étude de 2011 de l'organisation Inicia pointe le manque d'autonomie des jeunes femmes indigènes au moment du mariage, dans les états comme le Oaxaca ou le Chiapas. Elle mentionne notamment un élément androcentrique (non exclusif des cultures indigènes), qui s'exprime littéralement dans l'expression "prendre en charge" ou "se charger de" (hacerse cargo en espagnol). Les jeunes femmes sont chosifiées, considérées comme des sujets sous la tutelle d'un homme (père, époux ou frère) et propriété de celui-ci. Dans un cas extrême rapporté par les femmes de la communauté de San Jorge Nuchita (Oaxaca), le fiancé paye le père de sa fiancée, ce qui représente «l'achat de la femme ». Lors de l'enquête, les femmes ont déclaré que « comme ils les achètent, les hommes pensent que les femmes leur appartiennent, comme des choses. C'est pour cela qu'ils nous battent comme si nous étions des animaux », Dans la région des Hauts-Plateaux du Chiapas, ce n'est qu'en cas de problème très grave entre les époux ou de récidive qu'une séparation est considérée comme acceptable. Si elle est définitive, la famille de la femme doit rendre à celle de l'homme l'argent et les cadeaux reçus au moment de la demande en mariage.
L'étude de 2011 d'Inicia mentionne également la difficulté pour les jeunes femmes indigènes d'obtenir « l'autorisation » par exemple de sortir dans la rue, ou d'aller étudier à un autre endroit. Si ces jeunes sortent sans être accompagnées, elles sont traitées de "folles" ou de "filles faciles", à cause d'une possible atteinte à leur "honneur", une préoccupation essentiellement d'ordre sexuel. Le rapport souligne en outre que dans chacune des 5 régions(1) étudiées, des cas de femmes violentées verbalement ou physiquement dans leur communauté ont été rapportés : insultées, arrêtées sur les chemins par des hommes, et même agressées en dansant lors de fêtes communautaires. Dans la zone de la Mixteca de Oaxaca, toutes les jeunes femmes disent connaître un ou une professeur(e) qui ait maltraité ses élèves à l'école.

Le programme "Oportunidades" : un exemple de violence structurelle


Peinture murale à San Cristóbal de Las Casas
© SIPAZ
Peinture murale à San                                          Cristóbal de Las                                          Casas© SIPAZ
Diverses personnes et organisations considèrent aujourd'hui le programme "Opportunidades" ("Oportunités") comme une forme de violence structurelle perpétrée par le gouvernement fédéral envers les femmes, en raison des conditions imposées par ce programme. Ce conditionnement entraîne un certain niveau de dépendance et de passivité parmi les bénéficiaires. Selon l'étude de Mercedes Olivera de 2011, plus de 95% des familles pauvres au Chiapas reçoivent ce programme. L'argent reçu par les mères pour chaque enfant allant à l'école primaire ou au collège représente une aide importante et« sûre » pour les familles vulnérables et leur survie au quotidien. Dans la région des Hauts-Plateaux du Chiapas, 46 % des familles considèrent ce revenu comme le second plus important pour les dépenses quotidiennes de la famille, juste après ce que rapporte le conjoint (48%). Une femme de Chilón déclare"Oportunidades, c'est ce qui nous permet de manger : la terre ne donne plus rien et il n'y a pas de travail. Je nourris ma famille grâce à ce que donne le gouvernement via ce programme".
Les chercheurs considèrent l'argent reçu par les bénéficiaires pour chaque enfant comme ayant un caractère assistancialiste et patriarcal, car elles doivent accepter les conditions imposées si elles veulent continuer d'en bénéficier. Les conditions mentionnées sont par exemple des consultations médicales inutiles et non souhaitées, ou la présence obligatoire à des ateliers mensuels ou bimensuels sur des thèmes comme l'hygiène ou la santé. Ces formations ont lieu à des moments fixes, sans prendre en compte la disponibilité des femmes et sous la menace de couper ces ʺallocationsʺ en cas d'absence. Une femme de San Cristóbal interrogée lors de l'étude déclare se sentir « prostituée du gouvernement, puisqu'en échange d'argent je laisse des médecins mettre leurs mains sur mon corps ». Si les bénéficiaires ne se présentent pas à ces rendez-vous, les allocations d'Oportunidades leur sont coupées totalement ou en partie.
Récemment, au Chiapas, deux nouvelles conditions ont été ajoutées au programme Oportunidades. D'une part les mères bénéficiaires doivent prendre des cours pour apprendre à lire et écrire l'espagnol, ce qui peut s'avérer difficile pour des femmes indigènes qui ne parlent que leur langue, et encore plus lorsqu'elles sont âgées. Une autre condition récente oblige les bénéficiaires à dépenser 200 pesos des 850 reçus au total dans l'achat d'un panier de produits prédéfinis et dans des magasins du gouvernement –ceci sous la menace de ne rien recevoir si elles ne le font pas. Cependant, selon des femmes des communautés indigènes du nord du Chiapas interrogées par SIPAZ, le panier en question comprend des produits qu'elles n'utilisent pas. Par exemple de la farine de la marque Maseca®, alors que l'on trouve de la farine de maïs dans les communautés, ou des conserves, qu'elles n'ont pas l'habitude de consommer. Elles signalent en outre que le panier coûte plus cher que l'achat au détail des mêmes produits dans une épicerie de la communauté. Des habitants des communautés de la Forêt Lacandone ont fait part des mêmes incohérences lors d'une visite de SIPAZ début novembre. L'étude de Mercedes Olivera de 2011 conclut que la servilité et la dépendance générée de façon dissimulée par Oportunidades produit (au bénéfice du système néolibéral) des femmes dépolitisées et subordonnées à leur condition de femmes, des esclaves modernes.

Les violences faites aux femmes au Mexique sous les regards de la communauté (inter)nationale



Commémoration de femmes                                          assassinées au                                          Chiapas, 1 et 2 Novembre, San                                          Cristobal de Las Casas © SIPAZ
Commémoration de femmes assassinées au Chiapas, 1 et 2 Novembre, San Cristobal de Las Casas
© Campagne contre la violence faite aux femmes et le féminicide au Chiapas

Ces derniers mois, plusieurs organismes nationaux et internationaux ont publié des rapports sur l'augmentation des violences faites aux femmes et des féminicides dans différentes parties du Mexique. Le 23 octobre dernier, par exemple, dans le cadre de la seconde évaluation de l'Examen Périodique Universel (EPU) de l'ONU, le Mexique a reçu 176 recommandations des pays membres du Conseil des Droits de l'Homme, dont 33 ciblant spécifiquement les droits des femmes. Un rapport de l'organisation Equis – Justice pour les Femmes, note qu'entre 2007 et 2010, les états du Mexique ont inclus dans leur cadre réglementaire une législation spécifique pour le droit des femmes à une vie sans violence. Le code pénal a ainsi été renforcé afin de reconnaître les différentes formes de violence exercée contre les femmes et/ou préciser des classifications déjà existantes. Cependant « le large éventail définissant les différents types de violences dans les lois de droit à une vie sans violence ne se reflète absolument pas dans son application réelle, par manque d'harmonisation entre le code pénal et ces lois ». Le rapport mentionne que "sur les 240 condamnations analysées dans 15 Tribunaux Supérieurs de Justice, 4 seulement font mention des Lois Générales de droit à une vie sans violence pour les femmes, soit 1,66%. Il y a un véritable manque d'application de ces lois de la part des fonctionnaires appartenant au système de justice".
Dans le cadre de l'EPU toujours, Amnesty International recommande à l'État mexicain de mettre la priorité sur les mesures visant à prévenir et punir les violences faites aux femmes dans les 31 états « particulièrement ceux présentant un taux élevé de cas d'assassinats et attaques contre des femmes et des fillettes, comme Chihuahua, Nuevo León, l'état de Mexico et Oaxaca". Selon l'Observatoire national citoyen des féminicides, les régions souffrant de discrimination et féminicides méritant une Alerte à la violence sont le Chiapas, Sinaloa, l'état de Mexico, Veracruz, Nuevo León, Tamaulipas, Durango, Sonora, Oaxaca, Guerrero, Guanajuato et Morelos. Dans certains de ces états, les organisations civiles ont demandé au Système National pour prévenir, prendre en charge, punir et éradiquer la violence contre les femmes qu'une une Alerte à la violence liée au genre soit décrétée, même si aucune n'a été promulguée depuis 5 ans qu'existe le mécanisme.
Début novembre, un rapport des Prix Nobel Jody William et Rigoberta Menchú a été présenté par l'Association pour la Justice (JASS), le Centre des Droits de l'Homme de La Montagne Tlachinollan et le Consortium pour le Dialogue Parlementaire et l'Equité. Intitulé « De survivantes à défenseures : les femmes face à la violence au Mexique, Honduras et Guatemala », il alerte que le problème des féminicides et violations des droits au Mexique atteint un niveau de « crise ». Il indique qu'au Mexique 6,4 femmes sont assassinées chaque jour, dont 95% des cas restent impunis, selon les données du rapport et de l'Organisation des Nations-Unies.

"Au Mexique on oublie de punir les coupables"



La société civile n'est pas seule à pointer le doigt sur les féminicides. La diplomatie internationale porte actuellement une campagne de plaidoyer auprès des autorités mexicaines sur le sujet. Le 5 novembre, l'ambassade des Pays-Bas à Mexico a organisé un repas en mémoire d'Hester van Nierop, une jeune néerlandaise assassinée à Ciudad Juárez en 1998. Elle avait été retrouvée sous un lit, son corps portant des signes de torture et d'abus sexuels. L'objectif de l'événement était de réunir différents secteurs de la société mexicaine et internationale (gouvernement, victimes, ONG) pour discuter des actions à entreprendre pour améliorer les politiques publiques dans le combat contre le féminicide. Arsene van Nierop, mère de la jeune fille assassinée, a déclaré en interview : « le féminicide n'est pas propre à Juárez ou au Mexique : ces crimes ont lieu partout dans le monde. Le problème est qu'au Mexique, on oublie de punir les coupables (...). Je vais continuer de me battre. Il ne s'agit pas d'un assassin, il s'agit de l'impunité en général. »
Peinture murale à San                                          Cristóbal de Las                                          Casas© SIPAZ
Peinture murale à 
San Cristóbal de Las Casas
© SIPAZ
Des données de l' Observatoire national citoyen des féminicides indiquent que les violences faites aux femmes ont augmenté de 125% au Mexique en 2013, et particulièrement les homicides liés au genre perpétrés contre des fillettes et des jeunes femmes. « Le concept de féminicide n'est pas encore reconnu par tous les états du Mexique », selon le Centre des Droits de la Femme (CEDEHM), Les féminicides sont souvent accompagnés de violences sexuelles et de torture. L'impunité pour les féminicides est plus grande que celle des autres crimes, pour des raisons de discrimination. Lors de la rencontre du 5 novembre à l'ambassade des Pays-Bas, un appel a été lancé au Mexique pour qu'il enquête sur et punisse les agressions contre les femmes, et protège les défenseures des Droits. L'accent a également été mis sur la nécessité de créer un Centre de Justice pour les Femmes, et d'activer de manière efficace les mécanismes de protection déjà existants dans la législation mexicaine. Dix états sont confrontés à une augmentation des homicides perpétrés contre les femmes selon l'Observatoire national citoyen des féminicides, dont le Chiapas, Oaxaca et Guerrero.

Les femmes s'organisent contre la violence

Peinture murale à 
San Cristóbal de Las Casas
© SIPAZ

En août à Guadalajara, environ 1600 femmes se sont réunies pour célébrer les IXèmes rencontres nationales féministes. L'objectif était de voir comment convertir le mouvement féministe mexicain en une véritable partie prenante dans les décisions de l'État visant à diminuer les violences envers les femmes. Les participantes ont dénoncé ces violences, qui coûtent la vie à plus de 1800 femmes chaque année, et empêchent les indigènes et les femmes des zones rurales d'exercer leurs droits. Cette situation a diminué le salaire de plus de 16 millions de travailleuses, et restreint le droit à l'avortement dans 18 états du pays. Les féministes se sont accordées sur un agenda centré sur 4 axes : rejet de toute forme de violence envers les femmes, plaidoyer pour les droits sexuels et reproductifs, pour le droit à disposer de son propre corps, et contre les discriminations liées au genre et à l'orientation sexuelle.


Les femmes essaient d'attirer l'attention sur le très haut niveau de violence et de féminicides jusqu'au niveau de l'État. Les 1er et 2 novembre, on fête dans tout le Mexique le Jour des Morts. Les familles se remémorent leurs défunts en dressant des autels dans la maison et en passant la journée au cimetière avec la nourriture et les boissons préférées des disparus. En différents endroits du pays cette date a été prétexte pour attirer l'attention sur le nombre alarmant de femmes assassinées ces dernières années. Au Chiapas par exemple, des activistes et différentes organisations de la « Campagne populaire contre les violences faites aux femmes et les féminicides au Chiapas » ont organisé des activités et présenté des offrandes à San Cristóbal de Las Casas. Un autel avec des croix blanches en carton a été installé pour dénoncer la mort violente et l'assassinat de plus de 80 femmes cette année. Les statistiques placent le Chiapas au 5ème rang national pour le nombre de féminicides. Une vingtaine de groupements civils et de femmes de San Cristóbal de las Casas portent la campagne, qui a comme objectif d'informer et sensibiliser la population sur l'origine et les risques de cette violence, et de promouvoir un changement dans les relations de genre, entre autres.
A l'occasion du Jour des Morts toujours, dans la ville de Oaxaca, un autel a été dressé avec du pain, des fruits, des fleurs, de l'alcool et des bougies, en mémoire des femmes assassinées dans l'état et dans tout le pays. Le Groupe Bordando Feminicidios de la República a expliqué que ces offrandes ont été faites pour les femmes victimes de la violence "en rappelant leurs noms, leur âge, leurs professions, ce qui leur est arrivé, qui était leur agresseur, et où en est l'enquête". Quelques semaines auparavant, dans le cadre d'actions contre la violence féminicide, des dizaines de femmes ont marché dans le centre de Oaxaca. Ce fut la première activité organisée par le collectif "Action Radicale Antipatriarcale", dont les membres ont déclaré: "Nous seules pouvons initier le changement, ce n'est qu'en sortant et en haussant le ton que nous serons entendues".
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  1. L'étude a été menée dans la Sierra Norte de Puebla et Totonacapan, dans la région de la Mixteca de Oaxaca et dans trois régions du Chiapas (Les Hauts-Plateaux du Chiapas, la Forêt Lacandone et la région frontalière). (^^^)


ARTICLE : Des dégâts importants causés par les ouragans au Guerrero - Deux mois après, la zone de la Montagne est loin de revenir à la normale

"La pluie a emporté tous les droits" - témoignage d'un membre d'une organisation civile du Guerrero
L'état de Guerrero est resté coupé du monde pendant des jours –et jusqu'à plusieurs semaines ou mois – à cause des inondations causées par les ouragans "Manuel" et "Ingrid" survenus les 14 et 15 septembre. En un week-end plus de 100 personnes ont perdu la vie et plusieurs autres ont été portées disparues. Des milliers de personnes de tout l'état ont perdu leur maison, leurs cultures et leurs biens. La différence d'attention et de secours portés aux zones urbaines par rapport aux zones rurales est notable. Par exemple, le Président de la République, Enrique Peña Nieto, a visité Acapulco (zone touristique de la zona côtière) le lendemain de la catastrophe, alors que les secours ont tardé des jours, parfois des semaines pour parvenir jusqu'aux zones rurales. La zone de la Montagne surtout a connu de graves dégâts : deux mois après le désastre, des communautés restent encore isolées à cause de routes et de chemins qui ont tout simplement disparu, et l'aide du gouvernement se fait toujours attendre. Une pénurie d'aliments est à prévoir dans la zone, à cause de la destruction des champs de maïs et le manque d'aide d'urgence (et à long terme) de la part des autorités.
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Selon un rapport de la Protection Civile de Guerrero du 26 septembre, dans la seule zone de la Montagne, les chiffres officiels annoncent 33 morts. Cependant, selon des témoignages recueillis par le Centre des Droits de l'Homme de la Montagne Tlachinollan, 42 personnes, hommes et femmes, ont péri, sans compter les disparu(e)s. Le 18 septembre, Tlachinollan a déploré que dans la zone de la Montagne"La majorité des communautés de la région seront confrontées prochainement à une pénurie alimentaire en raison de la perte du maïs semé pour l'autosubsistance. En plus de cela, les maisons ont été balayées par les ouragans dans de nombreuses communautés. Dans ce contexte, il est urgent de garantir, par des actions efficaces, le droit à l'alimentation et à un logement digne". L´unique option viable pour de nombreuses familles serait la migration temporaire afin de trouver du travail et une source de revenus.
En octobre, environ un mois après les ouragans Ingrid et Manuel, Tlachinollan a annoncé que plus de mille habitants de la région de la Montagne avaient abandonné leur foyer en raison de la perte de leurs cultures (maïs, haricots secs, bananes et café) et avaient émigré vers le nord du pays pour travailler en tant qu'ouvriers agricoles journaliers. Selon Javier Guerrero, sous-secrétaire du développement social, 80% des cultures de la zone ont été dévastées par les pluies abondantes causées par les ouragans. Dans un communiqué du 20 octobre, Tlachinollan a souligné que le Conseil des Ouvriers Journaliers Agricoles de la Montagne de Guerrero (CJAM) a enregistré le départ de près de 1000 personnes entre le 27 septembre et le 12 octobre. Elles ont émigré pour chercher un emploi comme journaliers dans les états de Sinaloa, Sonora, Basse Californie, Basse Californie du sud et Chihuahua, entre autres. Cependant il peut s'avérer difficile de trouver ce type de travail dans les états du Nord, eux aussi ayant été sévèrement touchés par les pluies des 14 et 15 septembre.

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Depuis la zone de la Montagne, les communautés s'efforcent d'améliorer leur situation au jour le jour. Deux semaines après les ouragans, les peuples indigènes de la Montagne ont formé le Conseil des Autorités des Communautés Affectées par les Ouragans, porte-parole des villages sinistrés. Abel Barrera, directeur de Tlachinollan, a insisté sur le fait que les membres du Conseil veulent être inclus dans le processus de prise de décisions. Cependant, selon la Commission Intersecrétariale de secours et d'appui aux Journaliers Migrants, l'aide aux villages sinistrés se fait attendre, en raison du manque d'un plan intégral de secours, du retard dans le déblocage des fonds et du manque de coordination interne. Deux mois après les ouragans, les habitants de la Montagne de Guerrero sont loin de retrouver leur vie normale : ils souffrent de la faim, la reconstruction des maisons n'a pas commencé, il n'y a pas de médicaments, et aucun appui de la part des autorités.
Dons pour soutenir les sinistré(e)s:
Au nom de : Tlachinollangrupo de apoyo a los pueblos indios de la Montagnea.c.
Numéro de compte bancaire: 4602197668 (Banamex)
Clé interbancaire: 002281460201976688