miércoles, 12 de diciembre de 2012

Michel Chanteau: Tatic Samuel






 TATIC SAMUEL
Extrait du livre du Père Michel Chanteau









On a tellement écrit et parlé au sujet de Don Samuel que je ne sais ce que je peux apporter de nouveau. Cependant je ne peux pas évoquer mes 32 ans dans son diocèse sans exprimer mes sentiments de reconnaissance envers lui. Vraiment ce fut une immense grâce pour moi lorsque don Samuel, avant même de me connaitrez en avril 1965 à la suite d’une demande de ma part, depuis Cuernavaca de travailler dans son diocèse me donna son accord.

Lorsqu’à la fin du stage de Cuernavaca, je disais au revoir à Ivan Illich, près de lui se trouvait l’évêque du lieu dont Sergio Mendez Arceo, Ivan illich lui dit : ce petit curé français était trop indépendant pour rester dans son pays. »

-Alors je le prends dans mon diocèse, répondit Don Sergio. Je lui fis savoir que j’étais déjà embauché par Don Samuel Ruiz Garcia. Don Sergio ajouta : «  je vous félicite ». Très vite, je me rendis compte de la grande amitié qui existait entre ces deux évêques d’avant-garde.

Oui,  quelle chance de collaborer avec un évêque de la taille de Don Samuel. Il a été pour moi un guide, un exemple, et un père. Je voyais qu’il vivait intensément tout ce qu’il exigeait de ces agents de pastoral. Son attitude humble et fraternel vis à vis des indiens était une indication pour mon comportement avec mes frères indigènes. Je l’ai entendu conter au Journaliste Charles Antoine sa conversation qui bouleversa toute sa vie.

                Pendant des années, je fus comme un poisson qui dort les yeux ouvert, i.e. qui voit mais ne comprends pas ; je voyais des églises pleines, j’écoutais les prières dans les 5 différentes langues indigènes (qui se parlent au Chiapas en dehors de l’Espagnol) ; je voyais la ferveur de ces gens qui manifestait une foi enracinée, mais je ne percevais pas la profondeur et le mystère de cette réalité. Pour moi c’était suffisant que les indiens de mon diocèse au Chiapas chante dans l’église la gloire de dieu, mais à la fin, je me suis rendu compte que derrière cette joie apparente, il y avait une frustration structurelle, historique qui s’achevait en tristesse.
Quand j’ai cessé d’être un poisson qui dormait les yeux ouverts, j’ai compris que l’indigène ne pouvait pas comprendre et aimé la parole du Christ SI son héros était, même seulement en apparence du côté de celui qui lésait ces droits et lui rendait sa vie impossible.

De cette façon, un jour, voilà 25 ans j’ai pensé que l’endroit ou devait se reposer le pasteur du christ en visite était le seul protégé seulement par des branchages dans une cabane comme c’est la coutume dans la vie des frères indiens. C’était un signe, mais ce serait le début d’un cheminement d’approche qui m’a conduit à apprendre leur langue, à comprendre et à apprécier leur coutumes et leur culture, et à me convaincre que je n’étais pas le seul à donner ; sinon que eux aussi offraient une richesse morale d’expérience de traditions…. En résumé un patrimoine inestimable !

Ainsi, s’exprimait don Samuel. Son choix préférentiel pour les pauvres, fruit du concile Vatican II auquel il avait participé activement lui a valu bien des inimitiés de la part des grands propriétaires terriens et des gros éleveurs sans parler de la haine de ceux qui se disent : « les authentiques coletos » i.e. les riches métisses de San Cristobal. Et pourtant, je n’ai jamais senti, de sentiment de rancœur de la part de Don Samuel. Son optimisme indestructible, même dans les situations les plus dramatiques, me remplissait d’admiration c’était la démonstration d’un homme de grande foi.

Sous sa direction, j’ai découvert peu à peu ce que signifiait l’inculturation : être comme il disait à l’écoute de Dieu, présent dans toutes les cultures pour y découvrir les vraies valeurs qui se manifestent dans tous les actes de la vie, et spécialement dans la célébration des sacrements. Ainsi il disait aux catéchistes de Chenalho : « Je nommerai un diacre parmi vous quand vous aurez découvert dans votre culture les rites que vous utiliserez pour les sacrements ». Grace à Don Samuel j’ai compris que je n’avais pas à être l’agent de la culture occidentale chrétienne et romaine puisqu’aucune culture n’est supérieure ou inférieure à une autre. Tout se joue dans la complémentarité.
Lorsque Don Samuel était en visite parmi les catéchistes de Chenalho, j’admirais sa simplicité, sa capacité d’écoute. Alors les Indiens se rendaient compte qu’il n’était pas un personnage imposant comme sont les représentants du gouvernement mais plutôt un grand frère ou, - comme ils aimaient l’appeler, -« tatic samuel : Papa Samuel » ; mais pas le « bon papa débonnaire » mais le vrai père de famille responsable de ses fils qui veut qu’ils soient des hommes conscients de leur dignité capables de prendre en main leur destinée :! Ni assistancialisme, ni paternalisme !

Au cours de ces quasis trente-trois ans, j’ai vu évoluer et grandir ce diocèse de San Cristobal sous la houlette de ce grand Pasteur. Vers les années 60-70 l’église se voulait « la voix des sans voix » ; au fur et à mesure de l’importance des catéchistes et du réveil du peuple de Dieu, l’Eglise est devenue « celle qui écoute la voix du peuple croyant »

Combien de souffrance dans le cœur de Don Samuel à la vue de l’écrasement des droits les plus élémentaires des Indiens. Quelle immense tristesse le jour de l’enterrement des 45 victimes d’ACTEAL le 25 décembre 1997 : « le plus triste Noel de ma vie d’évêque » dira-t-il.

Ses préoccupations pastorales vont bien au-delà de son troupeau. Dans un large esprit d’œcuménisme, il prend la défense des fidèles des sectes, expulsés de leurs villages.

J’ai toujours été profondément choqué devant l’incompréhension de ses frères dans l’épiscopat, mais toutes ces difficultés loin de le décourager semblent au contraire le stimuler dans son labeur pastoral.
Que dire de sa fermeté et de sa force de caractère face aux attaques et calomnies de la part des gens du gouvernement ?  Son dévouement à la cause de la paix même au risque de sa vie, surtout à partir du soulèvement des Zapatistes, le 1er janvier 1994 lui valut d’être choisi comme médiateur entre le gouvernement et les belligérants. Malheureusement, l’intransigeance du gouvernement et tout spécialement du Président Zedillo ne lui pas permis de mener à terme cette noble mission.

Le dernier témoignage de sympathie de Don Samuel est le fax que l’on m’a remis de sa part à mon arrivée à Roissy, le jour de mon expulsion le 27 février 1998. Don Samuel s’exprime ainsi : « je ne peux tout simplement que te remercier pour ces 32 ans de service dans notre diocèse, parce que ton action et ta personne, n’importe l’endroit du monde où tu te trouves, font partie de notre être et de notre travail diocésains…Peut être que le fait de n’avoir pu nous dire au revoir, moi de toi, ni toi de nous, renferme un mystérieux symbole : que tu continues à être ici et nous là-bas avec toi. »

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