lunes, 23 de octubre de 2017

Visite du Conseil Indigène de Gouvernement en terre zapatiste: Guadalupe Tepeyac

Arrivée du Conseil Indigène de Gouvernement à Guadalupe Tepeyac

Reportage de Radio Zapatista
trad@7NubS

Arrivée du Conseil Indigène de Gouvernement à Guadalupe Tepeyac, 14 octobre 2017

« Il est temps d’unir nos douleurs », a fait savoir Marichuy, porte-parole du Conseil Indigène de Gouvernement (CIG), durant la première rencontre du CIG organisée en territoire zapatiste. Des paroles qui trouvent écho dans les cœurs des femmes et des hommes zapatistes de cette communauté de Guadalupe Tepeyac, caracol de La Realidad. En 1995, le gouvernement d’Ernesto Zedillo, le président de l’époque, avait violé le cessez-le-feu et ordonné à l’armée de pourchasser l’EZLN. La communauté toute entière dût s’enfuir. Femmes, hommes, enfants et anciens durent survivre dans les bois et se contenter de manger ce qu’ils arrivaient à trouver. Ils ont dû vivre hors du village durant quatre années, jusqu’à ce qu’en 1999 ils puissent revenir sur place.
Que ressentent, que pensent ces enfants qui prirent à cette époque-là le chemin de l’exil, marchant ou blottis dans les bras de leur mère, pleurant de peur et de faim, avec les hélicoptères qui survolaient le territoire, afin de sauver leur vie menacée pour avoir eu l’audace de s’organiser et de lutter pour les vies de toutes et de tous ? Que ressentent, que pensent ces jeunes qui sont là, maintenant, après plus de décennies d’un long chemin, à accueillir le Conseil Indigène de Gouvernement, témoins et protagonistes du fruit de leur lutte, de leur douleur, de leur révolte ?
La joie, la ferveur avec laquelle le CIG et les délégués.e.s du CNI furent reçus en dit long sur ce ressenti et ces réflexions. Encerclés par les montagnes de ces vallées encaissées du sud-est mexicain, dans la verdure de cette nature si menacée et défendue avec tellement de persévérance, le début de la tournée du CIG est fête et célébration. Célébration non pas du point final d’un parcours, mais d’une étape nouvelle dans cette résistance qui a coûté du sang : la vie défendue avec des vies, de la douleur et beaucoup de rage.
Plusieurs milliers de personnes se sont rendues jusqu’à ce recoin de la Selva Lacandona depuis de nombreux endroits du pays. Durant la rencontre, la commandante Everinda, s’exprimant au nom du Commandement Général de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, a effectué une analyse détaillée de la situation vécue dans le pays. Pour les peuples indigènes et paysans, la privatisation des terres, la destruction de la nature, le piétinement des cultures. « La situation aujourd’hui est plus grave qu’il y a 23 ans », dit-elle, avant de le démontrer avec des données. Démonstration également menée par la conseillère du peuple Mayo du Sonora, qui mentionna la spoliation subie par les peuples Yoreme, Yaqui et Mayo, et par la conseillère binnizá de l’isthme de Tehuantepec, qui évoqua la voracité du gouvernement qui profite de la douleur de la catastrophe provoquée par le tremblement de terre pour privatiser, diviser et militariser. Et tout cela fait penser au discours officiel qui tente de déprécier le zapatisme. A quoi sont parvenus les zapatistes durant toutes ces années, se demandent les « analystes ». Ils sont au même point, voire dans une situation pire qu’avant.
Effectivement, le Mexique est dans une situation bien pire qu’il y a 23 ans, parce que la spoliation, la répression, la voracité du capital qui tente de s’accaparer des terres et des ressources des peuples ne fait que s’intensifier. Parce que du fait de cette incursion du capital, le prix des productions des peuples est chaque fois un peu plus bas, et ce qu’ils achètent, un peu plus cher. Parce que le crime organisé est devenu le bras armé d’un gouvernement qui, pour le bénéfice du capital, tue, séquestre, incarcère, fait disparaître. Il suffit qu’en parlent les pères et mères des étudiants disparus de la normale d’Ayotzinapa et les proches des milliers de disparus de tout le pays.
Au milieu de cela, les femmes et les hommes zapatistes ont construit leurs systèmes de santé, d’éducation, de justice, de gouvernement autonomes. Ils ont forgé de nouvelles formes de production collective. Ils ont révolutionné la situation des femmes, qui sont historiquement celles qui ont le plus été piétinées, celles qui ont subi le plus douloureusement les outrages de ce système. Et elles et ils ont réussi à comprendre, mieux que quiconque, que la justice et la vengeance ne sont pas la même chose.
« Ceux qui ont tué Galeano », ont dit les proches de l’instituteur assassiné en 2014, « ce sont les mêmes qui ont fait disparaître les 43 d’Ayotzinapa ». La douleur et la rage de la famille et de tous les zapatistes face à l’assassinat et face aux provocations constantes de leurs assassins qui continuent à les harceler et à les menacer, cette douleur ne peut pas s’exprimer en mots. Mais ce n’est pas la douleur muette ni la rage impuissante. « Notre rage et notre douleur, il faut les organiser avec les autres rages et les autres douleurs qui existe dans le monde », ont-ils dit alors [1].
C’est de cela dont il s’agit. D’organiser les douleurs. « C’est l’heure d’unir nos douleurs ». Pour la première fois dans l’histoire mexicaine, il existe au niveau national un organe de gouvernement autonome, régi par les mêmes principes de gouvernement que les Conseils de Bon Gouvernement zapatistes, qui sont les mêmes principes qui régissent le Congrès National Indigène. « Pour gouverner un peuple, il faut tout d’abord apprendre à obéir pour savoir commander. »
Cette initiative est une tentative d’unir les douleurs du pays, non seulement celles des peuples indigènes et paysans, mais aussi les nombreuses douleurs des villes. Précarisation du monde du travail, bas salaires, chômage, exploitation, violence, répression. L’analyse du Commandement Général est frappante.
L’initiative du Conseil Indigène de Gouvernement est destinée à toutes et tous, c’est l’impulsion d’un soulèvement pacifique national. Il s’agit d’utiliser la plateforme de la conjoncture électorale pour partager la parole et nous inviter à participer à la construction d’un autre pays. Partager la parole parce que « le silence est complice du crime », comme l’a bien exprimé la Commandante Everinda.
Après la parole, une petit mais émotif spectacle de musique et de danse, mené par les compañeras Alejandra et Nayeli, coordinatrices des arts et des cultures.
La chaleur de la jungle ramollit en fin d’après-midi, et dans le calme relatif qui semble alors régner, il reste l’impression que quelque chose d’important vient de se dérouler. « Jusque là où tout cela peut déboucher ». La réponse n’est pas ici. La réponse nous incombe à toutes et à tous. Au carrefour de l’histoire, la réponse est reliée à une autre question, réitérée encore et toujours par les zapatistes durant les nombreuses rencontres de ces derniers temps : « Et vous, alors ? »
Pour écouter les audios de la rencontre :

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